Levée du moratoire sur la peine de mort : ce que pense le Dr. Flavien Shirandi (Tribune)

Flavien Shirandi
Flavien Shirandi

Lors de la 124 ème réunion ordinaire du Conseil des ministres du 09 février 2024, le Gouvernement congolais lève  le moratoire datant de 2003 sur l'exécution de la peine de mort, suivant certaines dispositions précisées dans une note circulaire signée le 13 mars 2024 par la ministre de la Justice et Garde de sceaux, Rose Mutombo. 

Cette levée du moratoire interdisant l'exécution de la peine de mort intervient à la suite d'une plaidoirie faite récemment par le vice-premier ministre de la Défense, Jean-Pierre Bemba pour juguler les trahisons dans les rangs des Forces armées de la RDC en ce temps de guerre à l’instar des positions prises le 13 septembre 2016 par le Gouverneur de la Province du Nord-Kivu, publiées dans un communiqué de presse  dans lequel il avait recommandé au Parlement et au Gouvernement de suspendre, pour une durée de 2 ans, le moratoire relatif à la peine de mort, le temps que les services de défense et de sécurité maitrisent la situation sécuritaire alors que l’Est du pays connaît une recrudescence criminelle.

Dans le même ordre d’idées, le  gouvernement congolais a rétabli la peine de mort, 20 ans après dans le but de décourager, d’empêcher et de débarrasser la RDC des traîtres et de mettre fin à la répétition, au récidivisme ou à la recrudescence d'actes de terrorisme et de banditisme qui sont à la base des morts d'hommes, des viols, des vols, des déplacés et de l’insécurité en République Démocratique du Congo, en particulier dans sa partie orientale.

Le gouvernement congolais veut lutter en fait contre le Vol, détournement et destruction méchante , cas de trahison et désertion militaire, espionnage, crime de génocide, crime contre l’humanité, crime de guerre, complot militaire, violation des consignes en présence de l'ennemi, désobéissance de marcher contre l'ennemi, trahison, association de malfaiteurs, cas  de participation, organisation ou commandement d'une rébellion, d'actes de terrorisme ou mouvement insurrectionnel, cas d'indiscipline ou de complicité avec l'ennemi, une puissance étrangère ou avec un mouvement insurrectionnel…..,etc.

Plusieurs réactions ont explosées sur la toile, tant au niveau de l’opposition, de la société civile, de l’Union européenne et de toutes les couches de la population. Les avis sont donc partagés sur cette question. 

Pour le Dr. Denis MUKWEGE, la levée du Moratoire sur l’Exécution de la Peine de Mort est inconstitutionnelle et illustre une dérive autoritaire et un recul inquiétant du Système de Protection National des Droits Humains.

Cette mesure particulièrement dangereuse dans un pays où la justice est dysfonctionnelle et “Malade” et le déficit d’indépendance et d’impartialité du système judiciaire est notoire, et la justice militaire ne prévoit pas de double degrés de Juridiction, en violation des garanties procédurales inhérentes à un procès équitable. 

Il prône sur l’abolition Pure et Simple de la Peine de Mort et une réforme Profonde des Secteurs de la Sécurité et de la  Justice pour consolider un État de Droit Protecteur des Libertés Fondamentales. En vertu de leur mission prophétique et considérant l’inquiétude suscitée par cette question, la CENCO RDC réaffirme leur engagement inconditionnel en vue de la défense de la vie et de l’abolition de la peine de mort en RDC.

L’Union européenne quant à elle, demande au gouvernement congolais d’annuler ce moratoire sur la peine de mort parce que la vie humaine et sacrée. Pourtant plusieurs pays de l’Union européenne n’ont pas aboli la peine de mort pour des raisons sécuritaires de leur pays, mais pourquoi demande-t-elle à la RDC  de suspendre l’exécution de la peine de mort, s’interrogent d’aucuns.

Pour Monsieur Jean Claude Katende un des défenseurs de droit de l’homme congolais dit de ne pas soutenir la levée du Moratoire sur l’exécution de la Peine de mort pour plusieurs raisons dont c’est une décision motivée par un esprit de vengeance de la classe politique qui croit que la peine de mort va régler tous les problèmes de l’armée et du banditisme. Aussi il croit que la levée de cette Moratoire sur la peine de mort  est un couteau à double tranchant, Il y a risque que certaines personnes condamnées à mort ne soient pas exécutées parce qu’elles sont proches politiquement ou biologiquement à ceux qui sont au pouvoir alors que les autres seront exécutées sans aucune réserve.  Ce qui va renforcer les injustices et discriminations. 

A ce sujet, le professeur Dr. Flavien Shirandi.,PhD, le consultant Politique et leadership stratégiste pense qu’aujourd’hui, le combat contre la peine de mort en RDC prend de l’ampleur et oppose clairement les abolitionnistes et  rétentionnistes. La société congolaise, surtout de l’Est du pays, est confrontée à des formes exacerbées de recrudescence criminelle dont la population civile est la première victime, au point de donner à croire à celle-ci que la solution viendrait de l’application de la peine de mort.

L’inexistence du moratoire sur la peine de mort en RDC révèle le Dr. Flavien Shirandi.,PhD

Pour la petite histoire, dans la première moitié des années 1990 pendant que la R.D.C est en proie, à une guerre civile, à l'arrivée massive des réfugiés en fuite du Rwanda et du Burundi et à des nombreux conflits ethniques, la peine capitale s'est fortement alourdie. La R.D.C. devient alors l'un des pays le plus sévère en matière d'application et exécution de la peine de mort en prévoyant cette dernière peine contre l'homicide, l'espionnage, la trahison et les délits contre l'Etat.

Cependant, la lutte contre cette peine commence en 1999 quand le ministre des affaires étrangères de l'époque SHE OKITUNDU met en place un moratoire qui sera malheureusement révoqué en 2002 par le gouvernement. Mais pourquoi l’actuel gouvernement congolais parle de la levée du moratoire qui d’ailleurs n’existe pas. Cela est contradictoire, alerte-t-il.

Autrement dit, il n’existe pas un moratoire sur la peine de mort parce que celui proposé par SHE OKITUNDU a été révoqué par le gouvernement congolais. Néanmoins, durant cette période, les cours et tribunaux prononçaient la peine de mort avec la mise en place en 2003 d'un tribunal spécial itinérant et sans appel, par le président de la République Joseph KABILA.

A titre historique, il convient de souligner que c’est suite à la condamnation des 21 militaires pour pillage, viol et refus d'ordre. En 2006, les députés congolais ont approuvé une nouvelle constitution qui n’a pas mentionné  la peine de mort, mais a consacré la sacralité de la vie humaine.

De ce qui précède, nous sommes face à 2 classes, des abolitionnistes et des rétentionnistes.

Généralement, les défenseurs des droits de l'Homme sont les premiers à prendre position contre la peine de mort. Les abolitionnistes estiment que la nature corrompue inhérente au système judiciaire est une raison de mettre fin à la peine de mort. Si quelqu'un peut sortir de prison avec un pot-de-vin, rien n’empêchera pour la peine de mort. Aussi, ils évoquent l’article 16 de la constitution consacrant la sacralité de la vie humaine et cet article est renforcé par l'article 61 de la constitution qui cite la vie parmi les droits fondamentaux non-dérogéables, auxquels il ne peut être porté atteinte en aucun cas, même lorsque l'état de siège ou l'état d'urgence est proclamé.

Ils rejettent les arguments des rétentionnistes qui disent que la peine de mort sert à la légitime défense de la société, car la société possède des moyens lui permettant d'assurer sa défense autrement que par le meurtre des criminels en l'emprisonnant pour une durée nécessaire à le mettre hors d'état de nuire.

Ils remettent également en cause le fait dissuasif de la peine de mort, mais soutiennent que le seul risque est de mettre des innocents à mort. Ce qui est irréparable et une raison de plus d’interdire la peine de mort.

Les abolitionnistes évoquent la ratification par la R.D.C. donne des textes internationaux une valeur juridique, supra légale à l’instar de la charte africaine de droit de l’homme et des citoyens, le statut de Rome et la déclaration universelle de droit de l’homme (DUDH) qui font d’office partie de l’arsenal juridique de la R.D.C. 

Ces textes conduisent à l'obligation de conformer le droit pénal congolais auxdit instruments, c'est-à-dire, à l'abolition de la peine de mort par ce que la constitution prévoit en son article 215 que les traités et accords internationaux régulièrement conclus ont, dès leur publication une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chacun des traités ou accords, de son application par l'autre partie.

En revanche, fait-il savoir, les rétentionnistes estiment que la valeur d'un traité dépend de celle qui lui est faite dans l'ordre juridique interne. C'est cette place qui détermine laquelle des deux normes internationales et interne prévaut en cas de conflit entre elles. La plupart des Etats retiennent la formule de la primauté du traité sur le droit national. Ce qui est le cas de la R.D.C.

A leur tour, ils évoquent sur le plan international la latitude laissée par l'article 80 du statut de Rome qui dispose que le statut n'affecte ni l'application par les Etats des peines prévues par le droit interne, ni l'application de ce droit interne lorsqu'il ne prévoit pas les mêmes peines.

Aux termes de cette disposition, ils estiment que la peine de mort prévue par le code pénal congolais n'est pas du tout illicite au regard de statut de Rome. 

En raison du nombre des morts, des atrocités, en raison de la nature des crimes, des trahisons des officiers des FARDC et complices congolais à tous les niveaux de la société, des milliers de civils sans défense sont illégalement tués. Beaucoup ont été torturés et un grand nombre d'entre eux sont portés disparus. A cet effet, ils estiment que ce n'est pas encore le bon moment pour l’abolition de la peine de mort par l'État.

Pour eux, la peine capitale est un moyen de dissuasion légitime que l'État devrait utiliser pour empêcher la commission d'atrocités par les milices et les individus. Aussi, ils pensent que la prévalence du crime dans certaines zones requiert une réponse ferme de la part du gouvernement et du système judiciaire.

Par ailleurs, certains activistes congolais estiment que dans le contexte actuel des conflits à l’Est de la RDC où la violence et les violations des droits de l'Homme sont croissants, l’abolition de la peine de mort n’a pas sa place pour le moment parce que la situation sécuritaire de la R.D.C nécessite la peine de mort, celle  capable de décourager toute  rebellion qui conduit aux crimes. 

En d’autres termes, l’abolition de la peine de mort n'est qu'encourager les criminels potentiels à évoluer avec leurs crimes et c'est tout le pays qui en subit les conséquences sur le plan économique, démographique, culturel, etc.

Comme le disait Victor Hugo, agir contre la peine capitale, ce n’est pas seulement éviter la mort de tel ou tel condamné, alerter l’opinion, réclamer une justice plus humaine. C’est aussi et surtout lutter autrement contre le crime, comprendre les raisons de ce mal qui ronge la société.

De ce qui précède, le professeur Dr. Flavien Shirandi.,PhD, le consultant politique et leadership stratégiste pense qu’aujourd’hui parmi les raisons qui rongent la RDC, il y’a l’absence de l’autorité de l’Etat dans certaines zones et régions de la RDC (à l’instar de celle de l’Est) par celle des FARDC et la police nationale congolaise, mais aussi par l’absence d’un bon service de renseignement tant au niveau civil que militaire. Pour ce faire, les réformes des FARDC et de la police nationale demeurent la solution sûre et durable pour éviter la recrudescence de la rébellion et de céder aux menaces des rebelles. Cela est devenu comme une forme de laisser-aller. A cet effet, il faut enrôler beaucoup de jeunes Congolais dans l’armée, faire des FARDC une armée des patriotes, non infiltrée et professionnelle. Ce, pour la stabilité, la protection des territoires et richesses de la RDC, précise-t-il. 

La sécurité nationale est aussi dépendante de nos services de sécurité or les services des renseignements congolais sont infiltrés jusqu’ à la moelle épinière. Les services des renseignements sont tous transformés en police de circulation routière (PCR) dans des carrefours en train d'arrêter les véhicules qui proviennent de Lufu, Moanda, Matadi, Boma en vue de soutirer l’argent au peuple congolais. 

Et aussi le Dr. Flavien Shirandi.,PhD deplore que le gouvernement congolais qui demande la peine des morts a aussi certain de ses ministres qui ont été une fois seigneur des guerres. Et si cette peine capitale était pendant leurs moments de rebellion, ils ne seraient peut être pas vivant ou ne sauraient servir le gouvernement qu’ils ont eux même agressé pour des raisons personnelles. 

Le Président Félix TSHISEKEDI doit réformer l’agence de renseignement congolais (ANR) et la DEMIAP en n’oubliant pas que ces renseignements ont être infiltrés et nécessitent un leadership éclairé, non biaisé, prudent et effectif. 

A l’époque de MOBUTU, ces services traquaient les auteurs des activités anti-patrie dans les pays de leurs refuges. Mais aujourd'hui, on observe un laxisme dans ce secteur puisque le choix d'acteurs n’obéit pas aux critères de compétence, de loyauté et de rigueur parmi tant d’autres.  Si les services des renseignements n'arrivent pas à neutraliser les criminels, il est donc une évidence des traîtres s’y sont camouflés. Certains traîtres sont dans nos services des renseignements. Nous avons des hommes d'affaires à tous ses services.

S’agissant du moratoire sur la peine de mort, le Professeur Dr. Flavien Shirandi.,PhD précise que la constitution congolaise considère la vie comme sacrée, qui tout simplement ne soutient pas cet acte d’ôter à une personne la vie. En outre, cette abolition de la peine de mort devrait faire, au préalable, l’objet de l’assainissement de l'appareil judiciaire, pour éviter des conséquences néfastes qui pourraient en résulter, face à une justice peu crédible. Cette justice est malade comme l’a qualifiée le président Félix TSHISEKEDI. La crainte est la condamnation des innocents, il faut d’abord travailler pour la réforme de la justice, le respect des textes et de la constitution conclut-il.