RDC: des chefs miliciens à Kinshasa, mais pour quel enjeu ?

ACTUALITE.CD

Le week-end dernier, des photos ont fait le tour des réseaux sociaux signalant la présence à Kinshasa des chefs miliciens dont les groupes armés sont actifs au Nord-Kivu et en Ituri. Sur l'une des photos, on remarque quatre chefs rebelles, de costumes vêtus, notamment (de droit à gauche: Guidon Shimirayi de Nduma defense of Congo (NDC-Renové), Freddy Kasereka de FPP/AP du général autoproclamé Kasereka Kabidon, de Mayani de l'Union des patriotes pour la libération du Congo (UPLC), et un autre qu'on peine à identifier. 

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Certainement, d'autres sont rognés. Car d'après des sources d'ACTUALITE.CD, ils sont plus de cinq chefs de groupes armés, y compris les représentants des milices de l'Ituri dont FRPI de l'ancien tristement célèbre Cobra Matata, FPIC, ZAIRE, URDPC-CODECO et MAPI ainsi que de Janvier Karairi de l'APCLS dont les combattants affichent une résistance farouche contre les M23 à Masisi et autour de Sake, à l'Ouest de Goma (Nord-Kivu).

Ils ont été invités à Kinshasa mais jusque le week-end dernier, personne d’eux ne connaissait l'objet de leur mission. 

"Personne ne sait le motif de leur invitation. Eux-mêmes aussi ne savent pas", indique à ACTUALITE.CD un cadre d'un des mouvements invités. 

Mais selon le professeur Chober Agenonga, professeur des universités en RDC et chercheur associé au groupe de recherche et d'information sur la paix (GRIP) qui suit de près le développement de la situation sécuritaire dans l'Est du Congo, l'enjeu serait de les persuader pour qu'ils ne servent pas de lit à l'AFC de Corneille Naanga qui recrute dans l'est. 

"En décembre 2023, lorsque Nangaa avait annoncé la création de son mouvement, il avait cité tous ces groupes comme faisant partie de ses ramifications à l'Est (à l'exception de Codeco). En plus, il y a eu une tentative du M23 de prendre contact avec certains groupes armés", rappelle ce chercheur en sociologie militaire.

Mais il doute que cette stratégie qui n'est pas la première pour Kinshasa puisse aboutir à la pacification. Car, faut-il remarquer, dernièrement, Kinshasa a discuté avec ces groupes dans le cadre du processus de Nairobi sans aboutir à un résultat. Aussi, avec les groupes armés de l'Ituri, Kinshasa a signé au moins cinq actes d'engagement mais qui n'ont jamais été respectés. 

"Cette démarche ne constitue pas une garantie de la paix, et il faut rappeler que ces groupes armés ont signé plusieurs accords de paix avec le gouvernement qu'ils n'ont jamais respecté. De ce fait, continuer à dorloter ces groupes armés consisterait à  stabiliser l'instabilité à donner un chèque à blanc à l'impunité et aux crimes dans la mesure où les groupes armés ont été responsables des crimes du droit international et qu'ils continuent d'ailleurs de commettre", explique-t-il.

Plutôt que de conjuguer avec les groupes armés, le professeur Chober Agenonga doit accélérer leur désarmement et renforcer la puissance de l'armée congolaise. 

"La sécurité étant globale et holistique, le gouvernement doit donner les moyens aux services de sécurité et à la justice pour réprimer les groupes armés responsables des crimes, mener une diplomatie judiciaire pour obtenir des pressions de la communauté internationale et sanctions des pays qui continuent à alimenter l'instabilité de la RDC. La RDC doit accélérer le désarmement des groupes armés et la reconstruction des provinces qui ont subi les affres de la guerre, et la réconciliation des communautés à cause de la crise créée par des groupes armés d'autodéfense", recommande-t-il.

Il s'agit "des seigneurs de guerre sur lesquels pèsent de lourdes sanctions internationales", rappelle le professeur Agenonga. Guidon par exemple, est sous le coup de mandat d'arrêt émis par la justice congolaise en juin 2019. Il est poursuivi pour participation à un mouvement insurrectionnel, recrutement d’enfants soldats et crimes contre l’humanité par viol dans l’est de la RDC.

Bien avantn, en janvier 2018, l’ONU avait déjà sanctionné Guidon Shimwiray, notamment pour utilisation des enfants soldats, atteintes aux droits de l’homme dans les zones sous son influence aurifères où il prélève illégalement des taxes et utilise des recettes pour acheter des armes en violation de l’embargo sur les armes imposé à la République démocratique du Congo.

Claude Sengenya