Est de la RDC : la Synergie des Femmes pour les Victimes des Violences Sexuelles (SFVS) totalise 20 ans en pleine guerre du M23, notamment à la base de nouveaux cas d’abus sexuels

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Synergie des femmes pour les victimes des violences sexuelles

La restauration de la paix est l'une des solutions majeures pour espérer mettre fin aux violences sexuelles dans l'Est du pays. C’est ce qu'estiment les acteurs de défense des droits des femmes de la RDC et du Rwanda, mercredi 10 avril à Goma, à l’occasion de la commémoration des 20 ans d’existence de la Synergie des Femmes pour les Victimes des Violences Sexuelles (SFVS).

Vingt ans après, Justine Masika, coordonnatrice de la SFVS, se dit satisfaite du travail déjà réalisé par la synergie, qui a notamment permis la prise en charge de plus de 50 000 femmes violées en 2023 dans l’Est du pays. Mais ces abus continuent à être enregistrés malgré les efforts déployés, à cause entre autres de la guerre du M23, en cours depuis deux ans au Nord-Kivu.

« Une seule femme violée, c’est déjà un problème. Pour l’année passée, 2023, c'est plus de 50 000 femmes qui ont été violées, dont 50 % au Nord-Kivu. Mais aujourd'hui, il y a des femmes qui sont violées chaque jour dans les camps de déplacés. Donc, à ce jour, on est au-delà de 50 000 femmes qui ont été violées, puisqu'aujourd'hui, dans le contexte où nous sommes, il y a plusieurs déplacées. Et lorsqu'on parle des statistiques des femmes qui ont été violées l’année passée, ça fait froid dans le dos. Mais nous avons besoin de la paix pour que nous puissions parler de développement. Je crois que la synergie a encore un travail, un parcours où elle doit encore continuer et surtout voir comment s’impliquer dans la femme, la paix et la sécurité », a dit Justine Masika, coordonnatrice de la SFVS.

Et de poursuivre :

« Avec ce que nous faisons, comme contribution pour le rétablissement de la dignité de la femme, je peux dire que nous avons fait un pas. Puisque lorsque nous avons commencé, c'était même difficile que les gens acceptent que les violences sexuelles existent, mais avec nos sensibilisations, ils ont vu que c’est un problème réel. Aujourd'hui, il y a des juridictions qui existent et des chambres foraines sont organisées. Aujourd'hui, il y a une prise en charge sanitaire et psychologique des victimes, ce qui n'existait pas il y a 20 ans ».

Pour le président du réseau des femmes du Rwanda, Yassin Ntunsingwire Musubaho, les femmes ont un rôle important à jouer dans la construction de la paix dans la région des Grands Lacs.

« Le message que nous avons, c'est que nous prions pour la paix. Mais ce qu’il faut faire en plus, c'est demander aux femmes de pouvoir participer aux résolutions ou aux décisions qui sont prises. Les encourager à ce que ces femmes-là puissent d'abord participer à la consolidation de la paix dans la région », a pour sa part recommandé le président du réseau des femmes du Rwanda.

Partageant l’expérience du centre du pays, Aimerance Nsonga, présidente de l'ONG Femmes Réveillez-vous, venue du Kasaï central, indique qu'il est plus qu'urgent de mener des plaidoyers auprès des dirigeants afin de mettre fin à la crise dans l'Est.

« Quand les femmes seront sensibilisées sur les textes qui les protègent, elles pourront réclamer leurs droits. Une autre action à mener, c'est de sensibiliser les femmes parce que c'est nous, les femmes, qui travaillons, peut-être sous coulisse, pour la persistance des conflits. Il faut que les femmes prennent des dispositions afin que les conflits ne puissent pas continuer. Nous devons plaider auprès du gouvernement pour que tout soit mis en œuvre afin de pouvoir maîtriser les conflits à l'Est », a-t-elle suggéré.

Invité de marque à cette cérémonie, pour avoir accompagné la synergie pendant ses 20 années, lorsqu'il était encore à la coopération suisse, Jean Mutamba a émis le vœu de voir chacun faire son travail en vue du bien-être de la femme et de toute la communauté.

« Chacun doit faire son travail pour que cette guerre prenne fin. Ceux qui doivent arrêter la guerre, ce sont les autres. Ceux qui doivent soulager, tant soit peu les victimes des violences sexuelles en leur apportant du sourire, ce sont les autres. C'est un souhait. C'est chaque jour qu'on peut espérer en laissant le mal derrière soi », a conseillé Jean Mutamba, doyen de la Synergie des Femmes pour les Victimes des Violences Sexuelles.

Les participants à la fête de la commémoration des 20 ans de création de la SFVS ont convenu de développer d'autres stratégies en vue de la mise en œuvre effective de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui concerne le droit des femmes, la paix et la sécurité.

La Synergie des Femmes pour les Victimes des Violences Sexuelles (SFVS) est une organisation qui a été créée en 2002. Elle est majoritairement composée de femmes qui souhaitent réfléchir aux droits des femmes et aux droits de celles qui ont été victimes de violence sexuelle. La SFVS est basée dans la province du Nord-Kivu, dans l’est de la République Démocratique du Congo.

Jonathan Kombi, à Goma