RDC-M23 : À Kanyabayonga, les déplacés souffrent, l'aide du gouvernement n'a suffi que pour "trois jours"

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Des déplacés à Kanyabayonga

Kanyabayonga et ses environs accueillent encore plus de 12 mille ménages de déplacés de guerre. Ils viennent de Rutshuru, Masisi et Walikale, fuyant les affrontements entre les rebelles du M23 et la coalition de l'armée congolaise et les combattants Wazalendo depuis début mars. Dans cette cité d'accueil, ces déplacés vivent grâce à la générosité des habitants. Car l'unique aide venue du gouvernement depuis mi-mars n'a servi qu'à nourrir près de 1 200 ménages sur les 12 000, et cela pour trois jours seulement. Le comité des déplacés déplore des morts parmi les déplacés faute de soins et de nourriture. Reportage.

En entrant à Kanyabayonga (plus de 150 km au nord de Goma, en direction de Butembo), rien ne laisse deviner la présence des déplacés dans cette cité située à cheval entre les territoires de Rutshuru et Lubero (Nord-Kivu). Contrairement à la situation vécue aux alentours de Goma, aucun camp de déplacés n'est visible. C'est en se rendant à la commune pour les civilités que vous vous rendez compte de l'ampleur de la crise. Ici, les déplacés ont élu domicile dans certains bureaux de l'État. Pétronille Katungu, responsable du service de genre et famille, a volontairement transformé son bureau en abri pour déplacés.

"On ne peut pas les laisser passer la nuit à la belle étoile. Ce sont des enfants, des femmes allaitantes, des femmes enceintes très fragiles et vulnérables", explique-t-elle à ACTUALITE.CD.

À Kanyabayonga, le comité de déplacés parle de plus de 12 mille ménages présents dans la cité. Certains sont dans des bureaux, d'autres dans des sites comme les écoles et églises et de nombreux autres sont dans des familles d'accueil.

"Ils sont tellement nombreux que les familles d'accueil ne peuvent plus les nourrir. Certains déplacés commencent d'ailleurs à braver la peur et le feu pour regagner leurs villages où la situation sécuritaire demeure fragile. Là, ils peuvent trouver de quoi récolter dans leurs champs, plutôt que de mourir ici dans les sites de déplacés", révèle la responsable du genre. Richard Kalume, secrétaire du comité des déplacés, évoque plus de six morts enregistrés parmi les déplacés suite à la famine et aux maladies. Feza est l'une des victimes. Cette jeune dame d'une vingtaine d'années a perdu le 12 mars dernier l'un de ses 4 enfants, mort dans une église qui leur sert d'abri au cœur de Kanyabayonga. Sans moyens, la jeune maman n'avait pas réussi à convaincre les infirmiers de soigner gratuitement son bébé qui souffrait de fatigue et de diarrhée après une longue marche à pied de Kikuku (Rutshuru) à Kanyabayonga. Elle s'inquiète pour le sort de ses trois autres enfants. Car dans ce site situé à l'Église Gloire de Dieu (EGD), les déplacés peinent à nourrir et soigner leurs familles.

"Nous manquons de tout. Nourriture, toilettes, soins de santé. Le gouvernement nous a assistés. Ça n'a servi que pendant trois jours. C'était une mesure de riz, de haricots, une boîte de tomate, du sel. Ils diront qu'ils nous ont aidés ?", révèle-t-elle à ACTUALITE.CD.

Besoins : nourriture, eau et soins

Le plus difficile à trouver à Kanyabayonga, c'est la nourriture, l'eau potable et les soins, même si certaines organisations ont réussi à appuyer une structure sanitaire locale pour qu'elle administre gratuitement les soins aux déplacés. "Mais un seul centre de santé ne peut prendre en charge tous les 12 mille ménages. Aussi, on semble privilégier que les enfants et les personnes du troisième âge, oubliant que tous les déplacés sont vulnérables et ne peuvent pas trouver l'argent pour les soins", se plaint Richard Kalume, secrétaire du comité des déplacés.

Pour ce qui est de la nourriture, seul le gouvernement congolais a envoyé 180 tonnes d'aide composée de denrées alimentaires (riz, haricots, farine de maïs), de biens de première nécessité (savon et sel) ainsi que des médicaments.

"Nous n'avons servi que 1 200 ménages. Chacun a reçu 10 kg de riz, 10 kg de haricots, 10 kg de farine de maïs, du savon et du sel", précise Richard Kalume, qui a participé à la distribution de l'aide. Mais à l'école primaire Maendeleo, l'un des deux grands sites de déplacés visités, les déplacés ont affirmé à ACTUALITE.CD avoir reçu l'aide qui n'a servi qu'à nourrir leur famille pendant trois jours. "Tout est épuisé. L'aide du gouvernement nous a aidés que pendant trois jours. Une aide tardive et insuffisante", se plaint Delphin Serubungu, père de deux enfants, qui affirme n'avoir reçu que "3 kg de farine, 3 kg de riz, 7 kg de haricots, un sachet de sel et un morceau de savon".

Les déplacés s'inquiètent de l'absence d'assistance de la part des humanitaires à Kanyabayonga.

"Jusqu'à présent, aucune assistance de la part des partenaires. Même pas un simple ciblage. Nous ne savons pas ce qui se passe. Il y a des déplacés qui meurent de faim et faute de soins. À part l'aide du gouvernement, aucune autre assistance de la part des humanitaires", s'inquiète Richard Kalume.

La malnutrition et les maladies hydriques

Dans les structures sanitaires locales, les soignants s'inquiètent pour la santé des déplacés.

"Les femmes et les enfants sont les plus affectés. Nous commençons à enregistrer des cas de malnutrition. Ça augmente", alerte Amos Kambale, infirmier titulaire adjoint au Centre de santé adventiste Singamwambe.

"Nous sommes prêts à les soigner gratuitement. Mais sans appui, sans médicaments, nous ne pouvons rien. Quand on leur demande des petites contributions pouvant aider à acheter des médicaments, ils ne trouvent pas. Ils préfèrent rester à la maison. Nous craignons des décès à domicile et des épidémies qui échappent au contrôle", s'inquiète-t-il.

Pour le bourgmestre de la commune de Kanyabayonga, parmi les cas urgents à traiter, c'est l'accès à l'eau potable. "Les déplacés et leurs familles d'accueil manquent d'eau. Ce qui présente un risque de maladies d'origine hydrique", prévient le bourgmestre Fatiri Jean-Chrysostome.

Claude Sengenya, à Kanyabayonga