La théorie sociologique des usages et appropriations de Kabila à l’ONU (Chronique)

<span style="font-weight: 400;">Les internautes vont s'étrangler sur la toile. Au cœur de la discussion : Le vide dans la salle, samedi dernier, à la 72ème Assemblée générale des Nations unies, à New York.</span>

<span style="font-weight: 400;">Sur les photos publiées sur les réseaux sociaux, la délégation qui l’accompagne semble heureuse. Mais comment peut-on être heureux à quelques mois de la fin d’un mandat et d’un pouvoir si mal en point ?  </span>

<span style="font-weight: 400;">Sur la toile, les internautes ont écrit. Les mots n’ont plus de place. Le texte lu par Joseph Kabila aux Nations Unies est malvenu. Et pour l’opposition et pour nombre d’internautes. </span>

<span style="font-weight: 400;">J’ai peut-être le malheur de vouloir argumenter sur l’utilité ou pas de se pencher sur le fond du discours plutôt que sur l’absence des participants à cette rencontre de haut niveau. Ce que les esprits les plus cartésiens font semblant d’ignorer, c’est que le discours prononcé par le président congolais dans une salle vide (semi-biométrique - pour utiliser l’expression qui fait actuellement le buzz à Kinshasa) n’en fait pas pour autant un discours illégitime.  </span>

<b>Kabila se la joue comme le maître du temps à New York</b>

<span style="font-weight: 400;">16 ans au pouvoir, deux mandats consécutifs, l'organisation de la présidentielle en 2016 dans les tiroirs, le quadragénaire à New York n’a plus des allures d'un novice en politique. Joseph débarque au moment où les chefs d'Etat et leurs délégations s'en vont… Il s’était d'abord rendu à Kananga pour lancer une conférence sur la paix dans cette région où des milliers de personnes ont été tuées (près de 3 400 morts, selon l’Église catholique), y compris deux experts des Nations Unies. </span>

<span style="font-weight: 400;">À son arrivée à New York, le chemin était déjà balisé par son équipe conduite par le vice-Premier ministre Léonard She Okitundu. Ce cacique de la majorité présidentielle a pris les clés des Affaires Étrangères dans une période délicate, très diplomate et discret. Joseph Kabila multiplie les rencontres et les discussions avec les personnalités d’envergure. Il aurait snobé Didier Reynders, le ministre des Affaires étrangères belge, selon un article que j'ai lu, mais il a tout de même rencontré Charles Michel, le Premier ministre belge. Ce dernier ne s'est plus attardé sur le respect de l'accord de la Saint-Sylvestre lors de son passage à la tribune des Nations Unies après cette rencontre. Sur les élections, Charles Michel a plutôt communiqué sur la nécessité “<em>d’accompagner la RDC dans ce processus démocratique irréversible au moyen notamment des élections honnêtes, transparentes et inclusives</em>”. Ce qui peut être considéré comme une victoire diplomatique pour Kabila, considéré jusqu'ici comme un président illégitime et non fréquentable par ses protagonistes.</span>

<span style="font-weight: 400;">Joseph Kabila a aussi rencontré celle qui fait penser tout de suite à la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda. Celle-là doit être très impatiente de rencontrer prochainement le président congolais pour parler des nombreux auteurs des violences à répétition en RDC qui sont restés impunis depuis qu'il est au pouvoir... A ce propos, dans son discours, le boss de la majorité présidentielle dont la barbe demie teintée en blanc floconnait dans les couloirs du siège des Nations Unies, s'est félicité parce que la justice congolaise aurait, selon lui, "<em>prononcé des centaines de décisions de condamnations pour viols, n'épargnant aucun auteur de ces crimes en vertu de sa position sociale ou dans la hiérarchie militaire, preuve de la fin de l'impunité dans ce domaine...</em>”</span>

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<span style="font-weight: 400;">"Le dossier brûlant reste tout de même le Kasaï. Joseph Kabila a discuté avec Zeid Ra'ad Al Hussein, haut-commissaire aux droits de l'homme de l'Onu, en compagnie de Marie-Ange Mushobekwa, ministre des Droits humains, qui a pris, à mon avis, en charge un ministère si lourd, lesté d’une bombe à retardement, tant sur les tueries  dans le Kasaï que sur toutes les bavures sur le respect des droits de l’homme en RDC enregistrées au cours de ces dix dernières années. Elle ne peut ni les justifier ni tenter de les défendre. A l’époque l’ancienne journaliste était encore du côté de l’opposition. </span>

<span style="font-weight: 400;">La question qu’on devrait également se poser pour éclairer l'opinion : Les personnalités politiques et leurs délégations étaient-elles obligées de se lever un samedi matin pour accorder l’attention à un discours dont ils connaissaient plus ou moins le contenu ?  </span>

<b>Théories sociologiques des usages et appropriations made in Kabila</b>

<span style="font-weight: 400;">Les points saillants de l’usage et de l’appropriation des adjectifs possessifs par Joseph Kabila : </span><i><span style="font-weight: 400;">" Mon pays..., mon pays est depuis une année victime d'attaques terroristes, menées par certains groupes armés, notamment dans les provinces du Kasaï, voire dans la capitale, et  dont l’objectif est d’anéantir la paix si chèrement acquise, de contrarier la dynamique des solutions consensuelles obtenues au niveau national et de miner nos efforts de développement.”</span></i>

<i><span style="font-weight: 400;">“Deux ans après l’adoption de l’agenda 2030 des Nations Unies, il n’est pas trop tôt de commencer à en évaluer la mise en œuvre. En exécution de ses engagements, mon pays a tenu à prioriser, dans l’élaboration comme dans la mise en œuvre de son Plan National de Développement, les dimensions environnementale, sociale et économique du développement durable.”</span></i>

<span style="font-weight: 400;">"Mon pays... Mon pays..." près de 10 fois</span>

<span style="font-weight: 400;">Et </span><i><span style="font-weight: 400;">" notre Organisation est née avec l'ambition de refonder les rapports entre Etats sur la base du principe de l'égalité souveraine et de la volonté de garantir la paix et la prospérité pour tous”</span></i><span style="font-weight: 400;">... Ou encore</span><i><span style="font-weight: 400;"> "... Et c’est dans ces circonstances que je déplore la barbarie dont les deux Experts de notre organisation ont été victimes en mars 2017. Notre détermination est de faire en sorte que la lumière sur les circonstances exactes de ce crime soit clarifiée afin que cet acte  ignoble, ainsi que ceux dont nos compatriotes ont été victimes, ne restent pas impunis.”</span></i>

<span style="font-weight: 400;">Bref, à l'ONU, Kabila s'est amusé avec la théorie sociologique de l'usage et l'appropriation. À l'écouter, plus Congolais que lui, il n'y en avait pas. Plus attaché aux valeurs de l'ONU, non plus. Dans l’usage, on compte le nombre de fois dont il s’est servi des adjectifs possessifs “mon" et "notre”, il s’en est approprié pour toucher à la sensibilité et passer le message,</span><i><span style="font-weight: 400;"> “ je suis de votre côté”</span></i><span style="font-weight: 400;">. Mais de qui ?</span>

<span style="font-weight: 400;">Sur la toile, on s'emballe que pour critiquer le nombres de participants à cette séance à cette 72ème Assemblée générale des Nations Unies. Selon le professeur Sam Bokolombe avec qui j’ai eu un échange sur cette enjaillement de voir Kabila parler à une salle presque vide, </span><i><span style="font-weight: 400;">“ les gens sont simplement, pour la circonstance, dans une communication politique destinée à gêner la cible Kabila et toute sa galaxie”</span></i><span style="font-weight: 400;">. Car selon lui, </span><i><span style="font-weight: 400;">“ Kabila a reçu des personnalités politiques plus pour s’entendre dire des choses que pour en dire”. </span></i>

<span style="font-weight: 400;">Quid du débat  sur le contenu de son discours, notamment "j</span><i><span style="font-weight: 400;">’affirme que le cap vers les élections crédibles, transparentes et apaisées est définitivement fixé. Notre marche dans cette direction est irréversible. Le tout sans ingérence extérieure ni diktat quelconque“.</span></i>

<i><span style="font-weight: 400;">“Le Gouvernement et la Commission Électorale Nationale Indépendante, devrait permettre la publication prochaine par celle-ci, qui en est la seule institution compétente du calendrier électoral. En dépit de ces avancées, les défis en vue de l’organisation des élections dans mon pays demeurent énormes, tant au plan logistique, financier, sécuritaire que normatif.” </span></i>

<span style="font-weight: 400;">Il l'a bien précisé à l'ONU. Encore une fois, sans annoncer la publication prochaine du calendrier électoral, ni promettre quoi que ce soit.  </span>

<span style="font-weight: 400;">À l’ONU, Kabila n'a rien promis du tout.  Vous avez dit l'ivresse du pouvoir ?</span>

<strong>Ange Kasongo Adihe</strong>