« Ecrire le Congo » du Pr. Locha Mateso, publié chez L’Harmattan, met en lumière une histoire sanglante de la RDC, d’hier à aujourd’hui

Photo d'illustration
Le Professeur Tshimungu, DG de l'INA, baptise ''Ecrire le Congo''. A droite de l'image, le Professeur Locha Mateso, l'auteur

Intellectuels et écrivains sont souvent indexés chez nous parce qu’on pense généralement  – à tort cependant – qu’ils ne se préoccupent guère des vrais problèmes de notre société. Le poète, critique littéraire de renommée internationale et professeur d’université, Emmanuel Locha Mateso, nous donne un exemple (et lequel ?) de l’engagement des hommes de science face à ce que vit le pays. Il vient de publier, aux Editions L’Harmattan, un ouvrage très intéressant et très documenté sur ce qui a été écrit au sujet de la RDC, sous l’angle de la violence dont le pays est victime depuis l’époque coloniale jusqu’à nos jours.

L’ouvrage est en plein dans l’actualité congolaise la plus brûlante : celle qui concerne les violences qui endeuillent le Congo depuis quelques décennies. Et le continuum mémoriel rattaché à la tradition négative de violence en RDC est passé ici au crible par l’écrivain dans une démarche tout à fait originale : relire les témoins de l’histoire du Congo, depuis la barbarie des violences antérieures, consécutives et postérieures à la récolte du caoutchouc jusqu’à celles qui précèdent et suivent la proclamation de l’indépendance. Intitulé « Écrire le Congo », le livre a été porté sur les fonts baptismaux samedi 24 février, à l’Institut National des Arts (INA), en présence de quelques têtes couronnées de l’ESU : les Professeurs Isidore Ndaywel (historien), Emile Bongeli (sociologue), Yoka Lye (romaniste et sémiologue), Sesepe, Félicien Tshimungu (DG de l’INA) et j’en passe. 

Violences au Congo à travers la littérature

C’est à travers les écrits qui jalonnent les décennies passées et présentes que Locha Mateso ausculte son pays là où ça fait mal, retrouvant les stigmates de toutes les barbaries qui marquent au fer rouge le cœur de l’Afrique. La lecture de « Écrire le Congo » est paradoxalement jouissive : l’auteur fait montre d’une parfaite maîtrise de la langue et du sujet, mettant en avant une belle érudition, alors même qu’il rend compte de ce qui a été écrit et décrit comme ayant marqué, dans leurs chairs et leurs esprits, autant les victimes que les bourreaux dans un cycle des violences presqu’ininterrompu. Emmanuel Locha Mateso fait « une véritable analyse, objective parce que documentée, critique, fouillée, nuancée, de surcroît écrite par un maître de la langue », note l’historien Isidore Ndaywel, dans la préface de ce livre. Un maître qui passe en revue les divers documents écrits qui sont autant d’implacables témoignages.

De la traite négrière à l’hécatombe ‘‘mobondo’’

Lors de la cérémonie de baptême, le Pr Bongeli qui a fait une recension de l’ouvrage, a épinglé quelques moments saillants de l’histoire de la RDC marqués par des cruels sévices infligés aux populations autochtones : barbaries de la traite esclavagiste, atrocités liées à l’exploitation du caoutchouc (avec des mains et des bras coupés pour domestiquer l’homme noir congolais), violentes répressions des soulèvements qui ont précédé et précipité l’indépendance, exécutions sommaires  et bestiales de Lumumba et de ses compagnons, carnages des rebellions multiformes et prédatrices (de Mulele au M.23 d’aujourd’hui, des plaines du Kwilu au collines du Kivu… et jusqu’aux forêts-galeries du Mayindombe et du Kongo-Central infestés de nuisibles ‘‘Mobondo’’ qu’on feint de ne pas voir).

Jusqu’à quand, le cycle des violences ?

Le livre d’Emmanuel Locha Mateso est éclairant – et donc révoltant – lorsqu’on voit l’enchaînement des horreurs sur les terres du Congo gorgés de sang. « Ecrire le Congo » mérite assurément d’être lu, parce qu’il permet de se poser quelques bonnes questions en connaissance de cause, notamment celle d’une prise de conscience réelle du Congolais face à son avilissement et à la négation de ses droits à la vie et à la jouissance des richesses de son sol et de son sous-sol. A ce stade, on le voit, la démarche du littérateur nous amène indubitablement à un engagement citoyen. Et Yoka Lye avait tellement raison de présenter Locha Mateso comme un homme de paix, au-delà du chercheur, du véritable littérateur, et du passionné de la culture, parce qu’en mettant des mots sur ce qui est un vrai scandale, il exorcise de sa terre les violences présentes et futures.

Jean-Marie NGAKI Kosi

Critique d’art et Professeur à l'Institut National des Arts