A Kinshasa, le commerce du sable d'eau à N'Sele : Des muscles, la nage et la navigation en pirogue, atouts nécessaires pour gagner son pain

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N’sele à Kinshasa, Photo ACTUALITÉ.CD

À Libanga, une contrée située dans le quartier Ndjili Brasserie dans la commune de N'Sele, la rivière Ndjili constitue toute une industrie pour certains.

Il est 11 heures pile, le soleil est accablant. Des hommes robustes s'adonnent à un travail acharné, qui requiert à la fois endurance et force. De l'endurance car il faut plonger dans les profondeurs de l'eau pour y extraire du sable. De la force car, après l'avoir extrait à l'aide d'un seau en forme de tamis, il faut le charger dans une pirogue.

Mais c'est aussi un travail en chaîne, d'autant plus que sur la rive droite, une équipe d'hommes, tous munis de bêches, récupère ce sable pour le charger dans les gros véhicules des acheteurs, qui ronronnent incessamment.

Chapeau sur la tête pour se protéger des rayons solaires, Rodrigue, vêtu d'un T-shirt long et d'un caleçon, est plongé dans son travail. Il explique que ce métier exige de la technique, de la force et une maîtrise de la natation.

« Ce sable, nous l'avons extrait des profondeurs de l'eau, à l'aide d'un seau aiguisé et troué en forme de tamis. Pour mener à bien cette activité, il est essentiel de maîtriser la nage, d'être physiquement fort et de connaître certaines techniques, car il faut aussi savoir naviguer dans la pirogue où l'on met ce sable », explique-t-il, bêche à la main.

Photo Malachie, qui est encore sur la rive, ne va pas travailler à cause de la crue de la rivière Ndjili, due à des pluies diluviennes récentes. Outre la force, il souligne aussi l'importance de la volonté, avant de révéler les circonstances dans lesquelles il a appris à nager.

« Ce travail exige force et volonté. Si tu as la volonté et le courage, c'est possible de le faire. Si tu es malade, tu ne pourras pas travailler ici. Par-dessus tout, il faut savoir nager, car si la pirogue est emportée par le courant, elle peut t'entraîner, te coincer et te tuer. Quant à moi, j'ai appris à nager avec des amis avec qui nous avions l'habitude de venir nous baigner ici », déclare-t-il tout sourire.

Par ailleurs, la saison sèche est une période propice pour ce dur labeur. C'est ce qu'indique Israël, qui jongle entre son métier de frigoriste et l'exploitation de sable.

« Nous travaillons tranquillement pendant la saison sèche, car il ne pleut pas et l'eau ne monte pas non plus. Cela nous épargne des difficultés rencontrées pendant les périodes pluvieuses, où il faut utiliser un bambou de plus de 6 mètres pour stabiliser la pirogue et travailler. Malgré tout, si tu n'es pas fort, résistant au courant, tu peux te noyer et mourir. Ou encore, tu peux faire couler la pirogue d'autrui et devoir l'indemniser... Mais quand l'eau baisse, la tâche devient plus facile, même avec une simple bêche », précise-t-il.

D'après ceux que nous avons interrogés, ce sable, qui sert à la construction, est vendu par tonne. Selon eux, une tonne se négocie à 65 000 francs congolais voire plus. L'organisation du travail est telle que ces pirogues, accostées là, appartiennent à des particuliers qui, à leur tour, font appel à des travailleurs, avec lesquels ils s'accordent sur la répartition des revenus. La plupart des jeunes rencontrés sur place sont des désœuvrés, venant des communes de la N'Sele, Mont-Ngafula, Kisenso, Kimbanseke et Ndjili.

Samyr Lukombo