À Kinshasa, les lieux de deuil se transforment souvent en repaires de fauteurs de troubles

Une vue de la ville de Kinshasa
Une vue de la ville de Kinshasa

À Kinshasa, capitale de la RDC, on ne pleure plus avec ceux qui pleurent. Les lieux de deuil sont devenus des repaires pour voyous, fauteurs de troubles et même clochards, perturbant totalement le déroulement des obsèques. De la veillée mortuaire à l’enterrement, les familles éplorées ne ressentent pas ou peu le sentiment d'empathie de la part de ceux qui prétendent compatir avec elles.

Plutôt que de consoler la famille endeuillée, nombreux sont les participants qui font preuve d'une insouciance étonnante. Certains rient aux éclats, tandis que d'autres, majoritairement de jeunes garçons, se livrent à des injures obscènes à l'encontre des hommes de Dieu, accusant même certains membres de la famille d'être à l'origine du décès, sous l'effet de l'alcool.

Face à ce phénomène grandissant, notre rédaction a recueilli les témoignages d'un activiste des droits de l'homme et d'un serviteur de Dieu, victimes de ce comportement. Unanimement, ils appellent l'État à prendre des mesures contre ces « badauds » qui bafouent le respect dû aux morts.

Jean-Bosco Lalo, activiste au sein de la CALCC, critique les moqueries dans les lieux de deuil, considérant que les jeunes y voient une opportunité de se faire de l'argent. « Pendant la période de deuil, il se passe beaucoup de choses. Quand le corps sort de la morgue, on observe des comportements bizarres de jeunes déjà drogués, se comportant en Kuluna, chantant des chansons inappropriées. Il y a aussi un aspect lucratif. Le deuil devient un moment où certains cherchent à se faire un peu d'argent, au détriment des familles endeuillées », explique-t-il.

Tout en déplorant la perte de compassion, M. Lalo invite l'État à sanctionner ceux qui s'adonnent à ces pratiques. « L'État doit veiller sur tous les espaces publics. Là où il y a un rassemblement de personnes, que ce soit pour un deuil ou autre, il doit y avoir des mécanismes de surveillance et, au besoin, sanctionner ceux qui enfreignent la loi par leur comportement », s'indigne-t-il.

Mamenga, docteur de l'église assemblée des saints, souvent insulté durant ses prédications aux veillées mortuaires, estime que ces actes relèvent de l'infraction d'atteinte aux bonnes mœurs et appelle l'État à réglementer ce secteur. « C'est déplorable. Les voyous ne respectent ni la parole de Dieu ni ses serviteurs. Pour eux, c'est une occasion de consommer des alcools forts, de semer le trouble. Ce qu'ils font constitue une infraction punissable par la loi. L'État doit réglementer ce secteur pour éliminer ce phénomène », déplore-t-il.

Par ailleurs, le deuil est devenu un lieu de comparaison et d'affrontement plutôt que de compassion. À Kinshasa, dès l'annonce d'un décès, les jeunes s'emparent de l'occasion pour s'offrir de beaux vêtements, transformant la tristesse en gaîté après l'enterrement, se ruant vers les terrasses et les bars.

Samyr Lukombo