Un ministre chypriote impute le "problème" migratoire de l'île à la Turquie

Chypre
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Chypre est confrontée à un "énorme" problème avec l'immigration clandestine, déclare le ministre de l'Intérieur de cette île méditerranéenne, petit pays de l'Union européenne le plus proche du Moyen-Orient. 

Le pays se trouve dans une situation "d'urgence", explique à l'AFP Nicos Nouris, soulignant que 4,6% de la population de Chypre est aujourd'hui composée de demandeurs d'asile ou de migrants ayant obtenu une protection internationale, le taux le plus élevé dans l'UE.

Le ministre chypriote-grec reproche à la Turquie, dont les troupes occupent le tiers nord de l'île depuis 1974, d'orchestrer une bonne partie de l'arrivée des réfugiés originaires de Syrie et de migrants d'Afrique subsaharienne.

Des ONG et observateurs accusent de leurs côtés Nicosie de loger les migrants dans des camps surpeuplés, dénonçant par ailleurs des mauvais traitements.

"Ce qui est violent, c'est ce que la Turquie nous fait", rétorque M. Nouris, alors que les demandes d'asile ont monté en flèche, atteignant plus de 13.000 l'année dernière, sur une population de 850.000 dans le sud de l'île.

- Question "instrumentalisée" par Ankara - "La question migratoire à Chypre est un énorme problème parce qu'elle a été instrumentalisée par la Turquie", assène le ministre, membre du parti conservateur Disy.

La Turquie, qui accueille des millions de Syriens, et l'Union européenne avaient conclu en 2016 un accord controversé selon lequel Ankara s'engage à empêcher les passages clandestins dans l'UE en échange, notamment, d'une aide financière. 

Mais selon M. Nouris, de 60 à 80 migrants, aidés de passeurs, franchissent illégalement chaque jour la Ligne verte séparant l'île en deux, avec 85% de demandeurs d'asile étant arrivés de cette façon en 2021.

Beaucoup de migrants font escale à Istanbul avant d'arriver en avion dans la partie nord, indique M. Nouris qui déplore que nombre d'entre eux, une fois passés dans le Sud, ignorent que l'île ne fait pas partie de l'espace Schengen.

"Ils ne peuvent pas se rendre en Allemagne ou en France, où ils veulent aller" et "se retrouvent coincés sur l'île".

Si les autorités chypriotes insistent sur le fait que la Ligne verte n'est pas une frontière -- la partie nord n'étant pas un pays reconnu officiellement --, ils veulent néanmoins la rendre moins poreuse.

Elles ont ainsi renforcé une partie avec des barbelés, et vont augmenter les patrouilles et installer un système de surveillance de fabrication israélienne.

Fabrice Leggeri, le patron de Frontex, l'agence européenne chargée de sécuriser les frontières extérieures de l'UE, est attendu mercredi à Chypre.

Selon M. Nouris, Chypre voudrait que Frontex patrouille dans les eaux au sud de la Turquie "d'où chaque nuit (...) nous avons des départs illégaux de migrants". Il reconnaît cependant que cela nécessiterait l'accord d'Ankara.

Chypre souhaiterait aussi que l'UE allonge la liste des pays d'origine considérés comme sûrs pour conclure des accords pour des rapatriements.

Outre la Syrie, les pays d'origine des demandeurs d'asile sont le Cameroun, la République démocratique du Congo, le Nigeria et la Somalie, selon le ministre.  

Les autorités ont récemment renvoyé par avion plus de 250 Vietnamiens et coopéré avec la Belgique pour rapatrier 17 Congolais. 

- Appel à la solidarité - Un vol conjoint avec l'Allemagne est prévu le 8 mars pour rapatrier des Pakistanais, indique-t-il, concédant qu'il s'agira d'un "retour forcé".

Human Rights Watch et d'autres ONG de défense des droits humains ont accusé Chypre d'utiliser des méthodes musclées contre les migrants, notamment en repoussant ceux qui arrivaient par la mer. 

M. Nouris insiste sur le fait que "Chypre n'a jamais, jamais repoussé" les migrants, mais a le droit de ramener les bateaux vers le Liban.

La question migratoire a été sous les feux des projecteurs cette semaine avec des violences dans le centre de Pournara, près de Nicosie, conçu à l'origine pour des centaines de migrants mais qui en accueille aujourd'hui 2.500.

Des bagarres, impliquant des Nigérians, Congolais et Somaliens ont fait 35 blessés, et la police recherche un adolescent accusé d'avoir poignardé un autre. Ces violences montrent que Chypre a besoin de la "solidarité" et l'aide de l'UE, plaide M. Nouris: "Dans un endroit surpeuplé, avec autant de nationalités différentes, c'est le genre de choses auxquelles on peut s'attendre". 

 

AFP avec ACTUALITE.CD