RDC : l'actualité de la semaine vue par Mimy Mopunga

Photo/ Droits tiers
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De l'arrivée des troupes ougandaises à la décision de l'église catholique de se retirer de la plateforme des confessions religieuses, en passant par la campagne des 16 jours d'activisme contre les violences basées sur le genre, la semaine qui s'achève à été marquée par une actualité dense. Mimy Mopunga passe au crible chacun de ces faits marquants. 

Bonjour Madame Mimy Mopunga et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler brièvement de votre parcours ?

Mimy Mopunga : je suis politologue de formation. Après mes études, j'ai travaillé dans une organisation de la société civile axée sur la défense des droits humains, justice et libération à Kisangani. J'ai aussi exercé dans la politique active à Goma, ensuite à Kinshasa en tant que députée pendant la transition 1+4. À l'issue de mon mandat, j'ai réintégré la société civile à travers le cadre permanent de concertation de la femme congolaise (CAFCO) et le réseau des femmes africaines ministres et parlementaires. J'y suis jusqu'à présent. 

Le monde poursuit actuellement la campagne des 16 jours d’activisme contre les violences sexuelles et basées sur le genre autour du thème « Orangez le monde : mettre fin dès maintenant à la violence à l’égard des femmes ! » Que vous inspire ces mots ? 

Mimy Mopunga : ce thème fait allusion à la pacification. Il appelle à l'élimination des violences sexuelles et basées sur le genre, il appelle à la dignité de la femme. La femme est porteuse de valeurs, elle contribue aux développement des nations. Si nous voulons que cette contribution soit pérenne, il faudrait éliminer ces violences. 

En RDC, les survivant.es réclament la mise en place d’un fonds de réparations. Selon vous, qu'est ce qu’il faut au gouvernement pour mettre en place ce fond?

Mimy Mopunga : les survivant.es sont en droit de revendiquer la mise en place de ces fonds, notamment parce que cela fait partie des engagements de la RDC au niveaux régional et international. Il est clair que la prise en charge des survivant.es doit être holistique (médicale, juridique mais aussi intégrer la réinsertion sociale et économique.) La femme qui à subi des violences a aussi besoin de se reconstruire économiquement et l'état congolais doit prendre en compte cela. Il faut une volonté politique et des mécanismes clairs pour mettre ce fond à l'œuvre. 

En sécurité, le Sénat a voté jeudi, en seconde lecture et pour la 13ème fois, le projet de loi portant prorogation de l’état de siège sur une partie du territoire de la RDC. Cette prorogation coïncide avec l’arrivée des troupes ougandaises en appui aux FARDC contre les ADF. Quelles sont vos recommandations à propos de ces opérations ? 

Mimy Mopunga : depuis que le Chef de l'état à décrété l'état de siège, quelques avancées ont déjà été signalées. Des révélations ont été faites concernant les populations qui coopèrent avec des groupes armés. Il y a des localités qui ont été récupérées par l'armée congolaises. En matière de guerre, il est toujours important d'avoir des alliés. C'est dans ce cadre que les troupes ougandaises viennent en renfort aux FARDC. Il faudrait à présent unir les forces contre un seul ennemi, les ADF. Il faut que la coordination des opérations soit au niveau de la RDC pour éviter les dérapages. Les massacres ont longtemps duré, il ne faudrait pas que les populations de l'Est soient encore victimes des violences. 

Entre temps, la durée de ces opérations n’est pas encore révélée par les autorités congolaises. Le nombre des militaires ougandais attendus sur territoire congolais aussi. Que pensez-vous de ceci ? 

Mimy Mopunga : Je déplore le déficit en communication. Il est vrai que certaines informations stratégiques ne devraient pas être délivrées à la population mais l'on devrait avoir le nombre des soldats attendus et le type d'opérations qui seront menées, le temps que cela devrait prendre pour rassurer les populations locales. 

Le président en exercice du Conseil de sécurité des Nations Unies a aussi précisé que le partenariat militaire permettant à des troupes ougandaises d'opérer contre des groupes armés dans l'est de la République démocratique du Congo "est une initiative qu'il faut soutenir". A la population locale, quel message lui adresseriez-vous ? 

Mimy Mopunga : je demanderai à la population de coopérer avec l'armée congolaise. Nous avons tous besoin de la paix en RDC, nous devons prendre part active dans ces opérations. Que les parents mènent des sensibilisation auprès des enfants pour les appeler à déposer les armes. Que les Chefs traditionnels soient également impliqués dans cette lutte. 

Après l’ECC, l’Eglise catholique a annoncé la suspension de ses activités au sein de la plateforme des confessions religieuses. Les évêques disent ne pas partager les mêmes valeurs éthiques avec certaines confessions sœurs. Que pensez-vous de la position de ces deux confessions ? 

Mimy Mopunga : je ne suis pas très d'accord avec cette position. Cela démontre qu'il y a une crise au sein de notre société. Au niveau politique déjà nous constatons qu'il y a crise parce que des composantes importantes ne se retrouvent pas au niveau de la nouvelle équipe dirigeante de la CENI. Et cette crise passe du milieu politique à l'église qui devrait être conciliante. J'ai également suivi les visites des autorités politiques (le premier ministre, les deux présidents des chambres du parlement ainsi qu'un conseiller du Chef de l'Etat. Ndlr) mais ces rencontres semblent n'avoir pas abouti à des meilleurs résultats. Cette prise de position en est la preuve. Si les six autres confessions veulent vraiment œuvrer pour la paix, elles devraient approcher les deux autres. 

Une représentation d’élèves de Beni et Butembo séjournent à Kinshasa pour notamment plaider en faveur des orphelins qui n’étudient pas. Leur plaidoyer est destiné aux ministres de l’EPST, des affaires sociales, du genre, famille et enfant. Quelles sont vos recommandations ? 

Mimy Mopunga : je pense que le gouvernement doit avoir une oreille attentive par rapport à ces revendications.  Si l'on n'y prête pas attention, la jeunesse sera perdue. 

Dans l’actualité internationale, alors que le variant Omicron présente un risque « préoccupant » selon l’OMS, les transporteurs du monde plaident (à travers Association du transport aérien international) auprès des gouvernements pour l’ouverture des frontières. Que pensez-vous de cette demande ? Face à l’économie mondiale, devrait-elle être acceptée ? 

Mimy Mopunga : souvent, lors de nos séances de sensibilisation, les experts nous invitent à apprendre à vivre avec cette pandémie. Nous savons exactement à quel moment la maladie a commencé mais nous ne pouvons pas avoir des précisions sur l'instant où elle s'arrêtera. Nous devons ainsi renforcer des mesures barrières, lavage des mains, distanciation sociale et la sensibilisation à la vaccination. Fermer les frontières n'est pas forcément la solution contre cette pandémie. Cela risque d'occasionner des pénuries en produits pharmaceutique, alimentaires et aggraver la crise économique mondiale. 

Propos recueillis par Prisca Lokale