RDC : où en sommes-nous avec le cadre légal sur la lutte contre les violences conjugales ?

Photo/ONU Femmes
Photo/ONU Femmes

En République Démocratique du Congo, il n’existe pas encore une loi spécifique qui table sur les violences domestiques ou conjugales. Pour aboutir à sa mise en place, comme il en existe pour les violences sexuelles, les organisations de défense des droits des femmes mobilisent des acteurs clés. Ce 11 novembre, Sofepadi et Fofecegdd ont parlé de leurs travaux avec ACTUALITE.CD. 

« Nous avons travaillé sur la mise en place d’une loi sur les violences domestiques qui comprennent également les violences conjugales. C’est un projet lancé en mars qui consistait à collecter les données et faire le plaidoyer, » explique Sandrine Lusamba, coordonnatrice nationale de la Solidarité féminine pour la paix et le développement intégral (SOFEPADI)

Nécessité des données actualisées

La mise en place d’un cadre légal requiert des chiffres actualisés de ces formes de violences en RDC. Pour y arriver, les deux organisations ont lancé chacune une démarche. Collecter, à travers un questionnaire, des cas au niveau des provinces et travailler sur les mesures palliatives.

« Nous avons formé 17 organisations venant des différentes provinces (Kasaï, Nord-Kivu, Bukavu, Tshopo, Goma, Kinshasa). Nous les avons dotés en matériels pour qu’elles effectuent la collecte des cas, certes pas tous, mais comprendre la tendance vu qu’il n’y a pas des statistiques actualisées. Nous avons aussi lancé des campagnes de sensibilisation auprès des communautés sur les formes de violence domestique et la lutte contre ce fléau » souligne Sandrine Lusamba. 

Pendant le confinement en 2020, le Forum des femmes citoyennes et engagées pour la gouvernance, la démocratie et le développement (FOFECEGDD) a recensé plus de 350 cas de violences domestiques et lancé des alertes. Cette année, la structure a mené un plaidoyer pour la mise en place des mesures urgentes. 

« Au cours du premier semestre de l’année, nous avons pensé qu’il était important de plaider d’abord pour la mise en place des mesures urgentes. Il fallait privilégier les solutions palliatives à ce fléau parce qu’en ce temps-là les conditions n’étaient pas très propices pour demander une loi. Il fallait avoir des données suffisantes notamment. Parmi les points obtenus, nous pouvons citer la réactivation de la ligne verte (122), le lancement de la campagne tolérance zéro immédiate, et autres, » renseigne Marie Lukusa Kadima, coordonnatrice du Forum. 

En route vers la proposition de loi 

Sofepadi travaille actuellement avec une consultante juridique pour la mise en place du cadre légal. Celle-ci a fait une révision des lois existantes et ce qu’il faudrait y ajouter. A Kinshasa, un premier draft a été présenté aux acteurs de la société civile, aux défenseurs des droits humains et des droits des femmes, au cours d’un atelier  au début du mois. 

« Des critiques ont été faites et des amendements à apporter. En ce moment, la consultante rassemble tous les éléments relevés au cours de l’atelier. Après cela, nous pourrions chercher des endosseurs, notamment les membres du parlement, mener des plaidoyers afin d’atteindre nos objectifs » a ajouté Sandrine Lusamba.  

A Marie Lukusa d’ajouter, « nous sommes actuellement au début des travaux pour l’obtention d’un cadre légal. Nous avons impliqué le Conseil supérieur de la magistrature, certains députés nationaux, les ministères du genre et de la justice. Nous préparons le texte qui sera amendé par les experts de ces deux ministères. » 

En quoi cette loi sera-t-elle importante ? 

« Il nous faut obtenir cette loi car elle va définir spécifiquement les violences domestiques qui ne se trouvent pas dans l’arsenal juridique congolais. Il y a cependant des infractions dans le Code pénal congolais qui sont assimilées à ces violences. Aussi longtemps que les faits ne seront pas dits spécifiquement par une loi, aucun magistrat, aucun juge ne pourra mener une procédure judiciaire » a souligné Marie Lukusa Kadima. 

Parmi les recommandations de l'ONU pour réduire la violence domestique (qu’elle assimile aussi aux violences conjugales), il y a notamment le fait de veiller à ce que l’appareil judiciaire continue de poursuivre les coupables, d’ajouter les centres d’hébergement à la liste des services essentiels, de faire en sorte que les femmes puissent demander de l’aide de manière sûre, sans que ceux qui les maltraitent s’en rendent compte, d’éviter de libérer les prisonniers condamnés pour violence à l'égard des femmes sous quelque forme que ce soit, ainsi que d’intensifier les campagnes de sensibilisation du public, en particulier celles ciblant les hommes et les garçons.

Prisca Lokale