Vaccin contre Ebola : «  seule une fraction de la population éligible en a bénéficié, une situation due en partie à un système opaque de gestion des vaccins », selon MSF

ACTUALITE.CD

L’ONG Médecins Sans Frontières (MSF) constate que bien que le rythme de transmission de la maladie à virus Ebola semble en train de s’infléchir, mais certains foyers sont toujours actifs depuis un an tandis que d’autres se réactivent. Aussi, « le rythme de vaccination est trop lent et seule une fraction de la population éligible en a bénéficié jusqu’à présent  une situation due en partie à un système opaque de gestion des vaccins ».  Pour l’organisation, un des problèmes majeurs réside aujourd’hui dans le fait qu’en pratique le vaccin « est rationné par l’Organisation mondiale de la santé, et que trop peu de personnes à risque sont aujourd’hui protégées ».

«  On a trop pointé la défiance de la communauté et son ignorance supposées comme des obstacles majeurs dans la lutte contre la maladie. En réalité, davantage de gens demanderaient à être vaccinés si on leur faisait savoir clairement qu’ils peuvent être protégés du virus grâce à un vaccin qui a démontré son efficacité, tout comme ils chercheraient à obtenir des soins dès l’apparition des symptômes si on leur faisait savoir clairement qu’ils ont de grandes chances de guérir en recevant rapidement un des traitements (qui ont récemment fait leurs preuves).  Nous devons arrêter de faire des communautés les premiers responsables de leurs morts, et leur donner plus d’accès concret aux traitements et aux vaccins” déclare Dr Natalie Roberts, coordinatrice d’urgence pour MSF.

Pour MSF, il faut changer le dispositif vaccinal.

« Nous pensons qu’il est nécessaire et réaliste de doubler le rythme de vaccination : jusqu’à 2000-2500 personnes pourraient être vaccinées chaque jour, contre un rythme actuel de 500 à 1000 personnes. Nous disposons d’un vaccin efficace ; d’équipes de vaccinations prêtes à être déployées ; la chaîne de froid nécessaire à l’acheminement du vaccin est fonctionnelle ; le nombre de doses nécessaires pour couvrir les besoins actuels et l’extension de la couverture vaccinale est disponible, comme vient de le confirmer récemment l’entreprise pharmaceutique Merck qui le produit. Enfin, la vaste majorité de la population souhaite être vaccinée. Malgré ces éléments objectifs, la mise à disposition effective du vaccin sur le terrain, les critères d’éligibilité et leur application font l’objet de restrictions inexplicables », explique Dr Isabelle Defourny, Directrice des opérations pour MSF.

Dans un communiqué publié ce lundi, l’ONG signale que les efforts de MSF pour étendre l’accès à la vaccination en collaboration avec le Ministère de la Santé, et en conformité avec les recommandations du groupe SAGE, le groupe consultatif d’experts de l’OMS se sont heurtés au contrôle extrême imposé par l’OMS sur l’approvisionnement en vaccins et les critères d’éligibilité. Les équipes de vaccination de MSF au Nord Kivu ne reçoivent ainsi qu’au compte-gouttes des doses réservées à des personnes inscrites sur des listes prédéfinies.

« Les raisons derrière ces restrictions restent obscures : le rVSV-ZEBOV vaccin a démontré son innocuité et son efficacité avec des essais cliniques dont un essai de phase III en Guinée en 2015. En l’absence d’homologation, le Ministère de la santé congolais et l’OMS autorisent son administration en « accès élargi » dit aussi « usage compassionnel », et peut donc être théoriquement délivré largement aux personnes exposées. Merck vient de déclarer qu’en plus des 245 000 doses déjà délivrées à l’OMS, ils étaient prêts à envoyer 190 000 autres doses si nécessaire, et que 650 000 autres seraient mises à disposition dans les 6 à 18 prochains mois », ajoute MSF.

Ainsi, l’ONG appelle à la création d’un comité de coordination international indépendant afin de garantir une gestion transparente des programmes de vaccination Ebola, et d’assurer que les vaccins profitent au plus grand nombre possible de personnes exposées au virus.

« MSF appelle en urgence à la création d’un comité de coordination international indépendant, sur le modèle de l’International Coordination Group créé en 1997 qui est composé de MSF, de la Fédération internationale de la Croix Rouge, de l’OMS et de l’Unicef, et qui a fait la preuve de son efficacité dans la gestion d’épidémies massives de méningite, de fièvre jaune et de choléra et d’accès limité aux vaccins. Ce groupe rassemblerait des partenaires mandatés pour améliorer la coordination de la vaccination, garantir la transparence sur la gestion des stocks et le partage des données, stimuler des discussions ouvertes avec les producteurs de vaccins, et au final assurer que les vaccins bénéficient au plus grand nombre possible de gens exposés au virus », argumente l’organisation.