RDC-Elections : Les nouveaux enjeux de la campagne électorale à Butembo

Un électeur en plein opération de vote.

La campagne électorale pour les législatives nationales et provinciales évolue timidement à Butembo (Nord-Kivu), l’une des quatre circonscriptions électorales où les scrutins avaient été reportés et programmés au 31 mars prochain pour des raisons sécuritaires et sanitaires. Depuis son lancement le 16 mars dernier, ils sont moins nombreux les candidats qui sont visibles sur le terrain. Raisons de cette timidité : difficultés financières pour les candidats ayant «tout consommé» lors de la précédente campagne et le changement d’enjeux.

D’après Georgette Kibendelwa, chef d’antenne locale de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Butembo a aligné 121 candidats aux législatives nationales comme aux provinciales pour les 4 sièges de chacune de ces législatives. Mais, depuis le début de la campagne, le 16 mars dernier, «ils sont moins de 30, les candidats qui s’efforcent jusque-là à battre campagne», constate Reginald Masinda, un militant de la Lutte pour le changement (LUCHA). «Ils sont vraiment peu nombreux ceux qui affichent leurs effigies, distribuent leurs affichettes, organisent des caravanes motorisées et des meetings, comme il en a toujours été le cas», fait-il remarquer.

Difficultés financières

D’après le professeur Augustin Kahindo Muhesi, coordonnateur du Front commun pour le Congo (FCC) à Butembo, cette timidité de la campagne électorale dans la ville est notamment due aux difficultés financières auxquelles sont confrontés de nombreux candidats, obligés de battre doublement campagne. «La tâche s’annonce difficile, dès lors que nous faisons face à de sérieuses difficultés financières, après avoir dépensé l’essentiel de nos budgets lors de la précédente campagne. Les partis traînent encore à soutenir les candidats. Nombreux commencent d’ailleurs à se désister», révèle le professeur Augustin Kahindo Muhesi, également l’un des candidats du Parti du peuple pour la reconstruction et le développement (PPRD) aux législatives nationales, à Butembo.

Sur ce point, le député provincial honoraire Simon Kazungu, également candidat aux législatives provinciales sur la liste de la Démocratie chrétienne fédéraliste Nyamwisi (DCF-N), regrette l’absence de soutien de l’Etat congolais aux candidats du Grand-Nord, obligés de battre doublement campagne. «C’est une nouvelle campagne qui a besoin d’un budget et d'une énergie supplémentaires. Et lors d’un entretien avec les notables du Grand-Nord, le chef de l’Etat avait promis un soutien aux candidats. Malheureusement, aucun soutien jusque-là, alors que l’Etat doit aussi soutenir les partis politiques», ajoute-t-il.

Les enjeux de la campagne

Au-delà des difficultés financières, l’autre problème qui bloque nombre des candidats à rejoindre le terrain, c’est l’absence de discours à communiquer aux potentiels électeurs. Tenez, lors de la précédente campagne, ils sont nombreux, les candidats qui n’avaient que l’unique discours : exprimer leur soutien à Martin Fayulu qui avait déjà conquis le terrain du Grand-Nord. «Je soutiens Martin Fayulu», l’unique discours qui était à développer pour espérer s’attirer la sympathie des pauvres électeurs de Butembo. Mais dès lors que la présidentielle est dépassée et que les Bubolais (habitants de Butembo, Ndlr) ne sont concernés que par les législatives, les candidats en crise de vision peinent aujourd’hui à trouver les discours à tenir, déplore  Simon Kazungu. «Cette campagne est intéressante, parce qu’en principe les électeurs vont se rendre compte des candidats qui ont une vision pour la ville de Butembo. Ce n’est plus le cas de s’afficher derrière Martin Fayulu pour espérer s’attirer la sympathie des électeurs. Chers candidats, nous devons vendre notre vraie image, notre vraie vision pour Butembo», exhorte-t-il.

Et ces visions à vendre aux électeurs doivent, d’après le professeur Augustin Kahindo Muhesi, intégrer les propositions des candidats pour faire face aux sérieux problèmes que connaît la ville. «Le Grand-Nord, en général, et Butembo, en particulier, connaissent d’épineux problèmes qui nécessitent des plaidoyers des futurs députés. C’est, par exemple, le problème de l’insécurité qui restreint les mouvements des nombreux habitants vers Goma ou Beni et le problème de chereté du tarif douanier, un tarif trop cher qu’ailleurs au pays. Ces genres de problèmes asphyxient notre commerce, nos activités agropastorales et, par conséquent, le social des citoyens. Nous candidats, nous devons présenter aux électeurs nos propositions de solutions. Ce sont là les genres de discours à développer, et non tenir des discours populistes du genre à dresser les populations contre les équipes de riposte contre Ebola comme le font certains», recommande-t-il.

Mais, pour le Docteur Eric Kamavu, tête d’affiche du RCD-KML d’Antipas Mbusa Nyamwisi à ces législatives, l’autre enjeu demeure : celui de mobiliser et conscientiser les électeurs à se sentir concernés par les scrutins du 31 mars prochain. «Il est vrai que cette seconde campagne électorale est nécessaire, dès lors que les électeurs, les uns avaient déjà oublié les numéros de leurs candidats, et d’autres s’étaient déjà désintéressés du prochain vote, après avoir été, d’après eux, injustement écartés. Nous, candidats, nous avons un grand rôle à jouer pour montrer aux électeurs qu’ils ont intérêt à se rendre aux urnes. Car la représentativité de notre région au sein des institutions de la république et, par conséquent, son avenir politique en dépend. Les électeurs ne doivent pas louper cette chance», exhorte le docteur Eric Kamavu.

Entre-temps pour les femmes, au-delà de la timidité, la campagne électorale évolue bien à Butembo. «Aucun des candidats ne s’est lancé dans la discrimination liée au genre ni au sexe. Hommes et femmes, tous sommes libres et égaux à battre campagne», admet Rose Kahambu Tuombeane, l’une des dix femmes sur les 121 candidats en lice aux législatives nationales.

Claude Sengenya