Appel d'offres des blocs pétroliers et gaziers: CNPAV alerte sur les faiblesses qui risquent de conduire la RDC plutôt à un endettement supplémentaire qu'aux recettes tant rêvées

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Photo d'illustration.

La coalition "Le Congo n'est pas à Vendre" (CNPAV) a exprimé ses inquiétudes au sujet de la manière dont le processus d'appel d'offres sur les blocs pétroliers et gaziers est conduit par le gouvernement près de deux ans après son lancement par le Président Félix-Antoine Tshisekedi. Dans son rapport intitulé " Appel d'offres du secteur des Hydrocarbures en RDC : risque de dettes plutôt que des recettes" et dévoilé ce mercredi 8 mai 2024 à Kinshasa, cette organisation de la société civile dit craindre que ce processus en cours mène le pays à un endettement supplémentaire en lieu et place de grosses recettes visées par le gouvernement.

Devant la presse, les acteurs du secteur des hydrocarbures et d'autres invités, CNPAV a rappelé que l'histoire récente du secteur des hydrocarbures en RDC a montré comment l'opacité et le non respect de la procédure d'attribution des blocs pétroliers ont fait perdre à l'État congolais environ plus de 910 millions USD qui ne seront jamais récupérés.

"Dans le cadre de Dig Oil, la RDC a été condamnée à payer 619 millions USD seulement par le fait que la RDC n'avait pas approuvé le contrat de Dig Oil et à cette phase là rien n'est encore exploité, rien n'est encore fait on est en train de payer Dig Oil pour rien par notre faute et nous sommes déjà endettés à ce niveau là et aussi dans le cadre de bloc pétrolier 1 et 2 du Graben Albertine où le permis avait expiré autant que le permis de Total dans le bloc 3, mais pour ce bloc déjà le permis expiré, le gouvernement accepte de donner à la société Ventora de Dan Gertler la somme de 240 millions USD; ça signifie déjà que aujourd'hui pendant que les choses n'ont même pas encore commencé, nous sommes autour de dettes de plus de 900 millions USD. Tel que ce processus a commencé maintenant, sans doute que nous allons vers un endettement", a expliqué Maître Jimmy Munguriek Ufoy, membre de la coalition "Le Congo n'est pas à vendre”.

Et de poursuivre :

"Parce que les sociétés majors ne vont pas venir pour exploiter le pétrole, ceux qui vont venir seront des spéculateurs qui vont chercher à acheter à moins cher pour revendre à plus cher ou encore pour garder ça comme on l'a fait avec Dig Oil ou avec Dan Gertler. Ils les gardent et puis ils demandent au gouvernement, remboursez-moi le temps que j'ai passé ici avec des investissements qu'on ne sait pas évaluer et on cherche à récupérer ça. Ce sont des problèmes sérieux que nous avons relevés dans cette analyse. Nous avons voulu attirer l'attention du gouvernement et des opérateurs pétroliers, de la société civile et de la population congolaise pour qu'ils sachent qu'il y a un risque sur lequel le gouvernement est censé réellement travailler avant de prendre la décision d'exploiter ou non les hydrocarbures en RDC";

CNPAV révèle que le processus d'appel d'offres lancé au mois de juillet 2022 par le Président Félix Tshisekedi est entaché de plusieurs faiblesses similaires à celles qui ont mené le pays à des pertes exorbitantes.

"Nous avons commencé par voir le processus d'appel d'offres lui-même comment il a été lancé et nous avons trouvé qu'il y a des informations qui ne sont pas disponibles pour prouver que le processus a été correctement conduit. Par exemple les comptes rendus des Conseils des ministres que nous avons exploités nous ont montré qu'au niveau du conseil des ministres il y a 16 blocs qui ont été approuvés et le conseil suivant la 62e réunion on a parlé des blocs gaziers qui seront également soumis à l'appel d'offres mais au lancement des appels d'offres il y a eu 27 blocs pétroliers et 3 blocs gaziers. Les blocs supplémentaires nous n'avons pas trouvé des traces dans un compte-rendu du conseil des ministres", a démontré Maître Jimmy Munguriek Ufoy.

Et d'ajouter :

"Notre résultat montre que l'appel d'offres a été lancé dans un contexte où on n’a pas suffisamment de données pour attirer les investisseurs. C'est pour cela que vous allez voir que depuis que les appels d'offres ont été lancés en 2022 au mois de juillet jusqu'à aujourd'hui 2024 au mois de mai, il n'y a toujours pas de preneur pour les blocs pétroliers. Perenco avait soumis pour quelques blocs pétroliers mais Perenco a été clair qu'il se retire du processus pour insuffisance des potentialités des blocs pour lesquels il voulait opérer. C'est pour dire qu'on n’a pas des données suffisantes pour convaincre les investisseurs à venir et non seulement pour convaincre les investisseurs à venir. Le contexte global aujourd'hui montre clairement que nous sommes en train de basculer des énergies fossiles vers les énergies renouvelables et nous sommes dans cette période qu'on appelle transition énergétique".

Pour CNPAV, au regard de l'évolution du monde où les grandes puissances abandonnent l'usage des énergies fossiles, ce processus risque de ne plus être rentable pour la République Démocratique du Congo.

Le processus d'appel d’offres des blocs pétroliers et gaziers a été lancé en pompe par Félix Tshisekedi malgré les critiques et interpellations des organisations de la société civile environnementale. Depuis près de deux ans déjà, le gouvernement a du mal à attirer des soumissionnaires. De manière répétée et chaque fois sans explication, le gouvernement à travers le ministère des hydrocarbures ne cesse de reporter les dates limites de dépôt des candidatures – le cas le plus récent étant le report, pour la troisième fois, des blocs du Graben Albertine jusqu’en mai 2024.

Clément MUAMBA